Roman noir. "Casse-Dalle" : tout est bon dans le patron ! - CCAS.fr

« Casse-Dalle », de Jennifer Have
Les Éditions du bout de la ville, 2023.

Sélection roman noir

« Casse-Dalle » : tout est bon dans le patron !

Avec « Casse-Dalle », Jennifer Have signe un premier roman choc, voire trash, mais aussi monstrueusement drôle. Dans un futur proche, les ouvriers d’un abattoir des Ardennes, déclassés et affamés, prennent leur revanche sur leur patron voyou et ses semblables, en les transformant… en pâtés. Un roman sélectionné par la CCAS et une autrice à rencontrer cet été dans vos villages vacances.

Propos recueillis par Denis Madelaine.

L’histoire de « Casse-Dalle »

Dans un futur proche, une partie de la population française, laissée pour compte car improductive, peine littéralement à manger à sa faim. Claire, présentatrice d’émissions culinaires en perte de vitesse, fait la tournée des supermarchés dans les Ardennes. Kidnappée par les ouvrières et les ouvriers occupant leur abattoir, elle va contribuer malgré elle à la relance de l’entreprise en mode Scop et, surtout, à la fabrication d’un pâté aux ingrédients… très spéciaux. Ce premier roman de la scénariste de télé Jennifer Have, orfèvre en matière de dialogues et de punchlines, est une farce grinçante et jubilatoire digne des films du duo Delépine et Kervern.

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L’interview de Jennifer Have

« Mon livre est né d’une colère, qui ne s’est d’ailleurs pas vraiment éteinte. »

Portrait de Jennifer Have, autrice de Casse-Dalle, sélection CCAS 2025

©Archives personnelles

Votre ouvrage s’ouvre sur une citation de « L’Opéra de quat’sous », de Berthold Brecht : « d’abord la bouffe, ensuite la morale ».  Résume-t-elle à elle seule votre propos ?

En 2007, j’ai entendu un membre du gouvernement de l’époque affirmer qu’en France personne ne souffrait de la faim. Je me souviens m’être dit que ce n’était pas possible d’entendre une chose pareille ! Cet électrochoc est le point de départ du roman.

En fait, à l’origine, « Casse-dalle » devait être une série. Arte, qui avait été approchée, l’a finalement trouvé trop sombre. Pourquoi ne pas tout bonnement raconter l’histoire d’une usine qui ferme, m’a-t-on demandé… Tout simplement parce cela a été fait mille fois et que je tenais beaucoup à la raconter à ma manière.

Et [ce refus], ç’a été une chance finalement, Enfant, je voulais écrire des romans, j’ai donc réalisé mon rêve. J’ai pu écrire sans entraves. Car « Casse-dalle » est né d’une colère, qui ne s’est d’ailleurs pas vraiment éteinte et, même si j’utilise l’humour, je trouve que la colère peut être quelque chose de très positif. L’atonie générale est quand même dramatique…

« Casse-Dalle » est un livre très drôle, très sombre, mais aussi très cruel envers les figures de patrons voyous. Quelles ont été les réactions des lectrices et des lecteurs ?

La plupart m’ont dit que ce roman leur avait fait du bien, qu’il avait quelque chose de cathartique et que son humour, même s’il était très noir, permettait de faire passer la charge contre la dérive ultralibérale de notre société. Mon moteur, c’est de faire rire tout en incitant à la réflexion. Une petite minorité de lecteurs ont été heurtés par certains passages un peu trash. Assez naïvement, je pensais que l’on comprendrait qu’il ne s’agit pas d’un livre réaliste. Mais il est tout de même question de cannibalisme, de meurtres… Je ne pouvais pas faire l’impasse sur certains passages obligés !

« J’ai le sentiment malheureusement que ma vision de l’époque colle plutôt bien à la situation actuelle… Mais c’est le propre de ce type de fiction d’être dépassé par la réalité ! »

Vous dépeignez une société française prisonnière de lois liberticides qui ont paupérisé et littéralement affamé une partie de la population, dite improductive. Est-ce votre vision de ce qui nous attend dans les prochaines années ?

L’écriture de « Casse-Dalle » a débuté en 2018, mais l’idée date de 2007. Et j’ai le sentiment malheureusement que ma vision de l’époque colle plutôt bien à la situation actuelle… Mais c’est le propre de ce type de fiction d’être dépassé par la réalité ! Pour autant, je ne pense pas avoir écrit un roman d’anticipation, tout ce que je décris risque même d’être bientôt caduc…

À travers le personnage de Claire la Parisienne, figure représentative d’une dérive télévisuelle, vous étrillez un milieu que vous connaissez bien. Comment votre roman a-t-il été reçu par la profession ?

Comme une agression, et on a sans doute pensé que je crachais dans la soupe. Je ne m’attendais pas à autre chose. Je savais que ce ne serait pas leur « came », comme ils disent. De toute manière, ce n’est pas pour eux que je l’ai écrit, mais pour ma famille.

Je suis une transfuge de classe : je me sens en décalage entre mon monde professionnel, mon statut social, ma vie en région parisienne et mon milieu d’origine. C’est ce que j’ai voulu exprimer à travers ce livre, et je pense que cela peut parler à pas mal de gens. En tout cas, c’est l’histoire dont je suis le plus fière car c’est celle qui me ressemble le plus.

« On représente les ouvriers comme des bons sauvages. Je viens de ce milieu et je trouve ça terriblement réducteur. »

L’intrigue se déroule dans votre région d’origine, les Ardennes. Vous vous êtes inspirée de vos souvenirs de jeunesse ?

Oui, mais j’ai dû faire un gros travail de recherche documentaire afin de les mettre à jour. Il y a de fait une grande part de moi dans les personnages. Olivia, l’ex-scénariste qui est revenue dans sa région et n’a d’autre choix pour survivre que de travailler à l’abattoir, a des origines italiennes comme moi. L’un de mes personnages est inspiré d’un oncle boucher et électeur frontiste de la première heure. Je combats évidemment ce positionnement mais je peux en comprendre les motivations.

Je ne suis pas une moraliste et je suis un peu lasse de voir comment certains films qui traitent du monde ouvrier proposent une vision paternaliste. Selon moi, ils font preuve de condescendance. On représente les ouvriers comme des bons sauvages. Je viens de ce milieu et je trouve ça terriblement réducteur. Je suis donc assez fière d’avoir évité tout manichéisme.

Votre ouvrage regorge de formules dignes d’Audiard. Si vous deviez en choisir une, ce serait laquelle ?

Il faudrait que je relise mon roman pour vous répondre. Je ne suis pas idolâtre de mes propres punchlines, même si, en tant que scénariste, j’avoue avoir une gourmandise extrême pour le dialogue. J’ai adapté plusieurs livres d’Agatha Christie pour la série « Les Petits Meurtres d’Agatha Christie » : il m’est arrivé de croiser des spectateurs qui m’ont dit qu’ils avaient envie de faire faire un tee-shirt avec certaines répliques !

« Après avoir bu sa part, Nenœil passa machinalement la bouteille à Aymon. Répugné à l’idée de boire après l’un de ses ouvriers, il hésita un temps avant d’essuyer soigneusement le goulot sur le bas de son tee-shirt… »J’ai pas de maladie !
– Il a peur d’attraper la précarité, décrypta Olivia.
– L’autre, hé, c’est lui qui me l’a refilée ! La précarité, c’est la chtouille des patrons quand ils t’ont baisé profond ! »
Extrait de « Casse-Dalle », de Jennifer Have, Les Éditions du bout de la ville

Des livres à lire, des auteurs à rencontrer

Cet été, des auteurs et autrices de la dotation livres CCAS 2025 viennent à votre rencontre dans les villages vacances.

Découvrez leur univers grâce à nos interviews.

Une sélection de livres pour vous accompagner tout l’été

Cette année, de nouveaux titres ont été sélectionnés par la CCAS pour intégrer les bibliothèques des villages vacances, la Librairie et la Médiathèque des Activités sociales : romans, polars, documentaires, bandes dessinées, mangas, poésie, science-fiction, dont des ouvrages en gros caractère… il y en a pour tous les goûts !

Rencontre avec le dessinateur Laurent Lefeuvre, auteur des BD Migrants et Refuge(s) (Modérateur Alexandre Courban), sur le bateau " Charles-Marie" affrété par la CCAS et CMCAS Haute-Bretagne dans le cadre du partenariat avec le Festival Quai des Bulles 2022, port de Saint Malo, Quai de Terre Neuve / Bassin Duguay-Trouin. © Charles Crié / CCAS

Pendant vos séjours :
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